L'argent ne fait pas le bonheur mais contribue à rendre heureux ceux qui n'en ont pas.
Dominique Sotiras
11/13/2025


Hier soir, je suis allée au cinéma voir : La femme plus riche du monde.
À la fin, un silence m’a traversée ainsi que tous les spectateurs présents.
Ce silence a été édifiant.
Pas celui de l’émotion, mais celui des évidences qu’on n’ose pas dire.
L’argent ne fait pas le bonheur, il ne contribue qu’au bonheur de ceux qui n’en ont pas !
Nous courons tous après l’argent, certains pour survivre, d’autres pour exister.
Mais à force de courir, on oublie ce qui est essentiel à notre nature.
Il y a longtemps, j’ai appartenu à ce milieu où l’on confond avoir de l’argent, être riche et réussir sa vie.
Ce monde dans lequel l’argent est le Dieu que l’on nomme, que l’on prie et à qui l’on dédie sa vie.
Un monde pimpant, bien habillé, bien parfumé, souriant en superficie où l’on mesure la valeur d’une vie à la taille du compte bancaire.
Un univers dans lequel l’argent entre, sort, circule comme une marée.
Il est possible d’acheter, d’offrir, de planifier son demain sans même se demander si cela va dépasser nos possibilités financières.
A cette époque, je vivais exaltée par tous ces possibles qui se présentaient.
Bien vite, je me suis sentie à l’étroit, avec le stress du travail à accomplir et la peur au ventre de perdre un ou plusieurs marchés.
Quand on grimpe l’échelle de la réussite, on monte toujours plus haut.
Avoir conscience du vide que l’on crée sous nos pieds si l’on retombe est effrayant.
Une peur insidieuse qui maintient dans l’élan productif pour ne rien perdre de ce que l’on gagne.
J’étais prisonnière d’une cage dorée.
On pense que la richesse offre la liberté et en réalité, elle enferme dans une obligation de continuer, du toujours plus.
Chaque réussite appelle la suivante, chaque acquisition crée un besoin nouveau.
Les journées deviennent des bilans, les sourires des contrats, les amitiés des alliances stratégiques.
On finit par ne plus savoir avec qui l’on rit ni pourquoi au juste.
L’argent produit une euphorie, un état de liesse comparable à cet instinct hystérique qui se déclenche sans raison particulière.
L’argent crée des besoins dont notre nature humaine n’a que faire.
L’argent est infatigable, il nourrit sans cesse nos désirs superficiels et il ne s’arrête jamais.
Il brûle l’inconfort, le confort, le temps, la vie et la mort.
Et dans sa fumée, on perd le goût du silence, de la lenteur et de l’humilité.
On pense qu’il nous libère, mais en vérité, il nous enchaîne à la performance, au regard des autres, à la représentation (combien de fois pour répondre à une invitation ma tenue devait correspondre aux standards de la soirée).
Il nous entraîne vers cette idée fausse qu’il faut mériter sa place par l’apparence que l’on offre et par les biens possédés.
Et puis, un jour, j’ai dit stop.
Ce fut par la décision d’un divorce qui a provoqué une révolte.
J’étais épuisée de jouer un rôle trop surfait pour moi.
Epuisée d’encaisser une violence conjugale qui montait crescendo.
J’ai senti que je ne pouvais plus respirer dans cette atmosphère qui ne résonnait plus avec mon âme.
Je suis partie, une main devant et une main derrière sans demander mon reste.
J’ai renoncé à tout : le confort, les belles choses, les voyages, les projets ambitieux, ce statut social magnifié par des égos creux et même la rétribution pour ma participation à la construction des biens de la communauté que j’aurai pu demander.
J’ai choisi l’humilité, la simplicité, presque la pauvreté.
Les premiers temps furent un vrai chemin de croix.
Repartir de rien et abandonner les mauvaises habitudes de sortir le chéquier ou la CB pour régler un problème s’apprend avec le temps.
Le prix de ma liberté était cette peur nouvelle qui me mettait en action pour vivre et non survivre sous le joug d’un Dieu d’espèces sonnantes et trébuchantes surtout sans empathie pour nos erreurs.
J’ai affronté ma peur du vide financier, du jugement des autres qui disait que j’avais tout perdu famille, amis et la peur de ne plus “appartenir” à rien.
Mais ce nouveau départ s’est vite transformé en espace de liberté.
Un espace pour penser, pour ressentir, pour être enfin moi et à mon rythme.
Dans ce dépouillement, j’ai senti la première vraie respiration.
Avoir juste ce qu’il faut et parfois moins ne tue pas. Cela renforce notre désir d’avancer vers un objectif : celui de s’offrir ce que l’on désire en se donnant les moyens.
Vivre dédouanée des besoins inutiles, c’est ça, la vraie richesse.
Respirer et oser bouger pour aller de l’avant.
Se contenter d’un toit, d’un repas, d’un lit, d’un silence.
Découvrir qu’on peut être comblé sans avoir les poches pleines de ce métal froid et de ces billets que l’on dit sans odeur.
Il y a une paix étrange dans la sobriété : celle de n’avoir rien à perdre, et donc un plaisir immense de goûter avec parcimonie aux plaisirs de la vie.
Socrate disait que ce n’était pas l’objectif le plus important mais le chemin que l’on entreprend.
L’argent sépare.
Il rend jaloux ceux qui n’en ont pas, et inquiète ceux qui en ont trop.
Molière dans « L’Avare » n’avait-il pas raison ?
J’ai vu des familles se déchirer à cause :
- Des jalousies engendrées par leurs réussites,
- Pour un héritage qu’elles n’ont pas fabriqué,
- Des amours perdre le gout du désir de l’autre au profit du désir de ce que l’argent peut acheter,
- Des existences entières se consumer à vouloir “garder le niveau” sans profiter de la vie.
En vérité, l’argent n’achète pas le pouvoir de se réjouir du peu, du geste gratuit, de la main tendue sans contrepartie, d’un sourire dans la rue qui illumine un matin gris…
Aujourd’hui, je vis autrement.
Je n’ai rien à moi sauf quelques meubles et quelques vêtements mais je vis depuis 30 ans dans l’opulence de mon temps, dans la paix de mes nuits apaisées, dans cette relative liberté de penser car j’ai conscience qu’elle est brimée par la réglementation de notre société, et puis chaque centime dans mon porte-monnaie a repris sa vraie valeur à mes yeux.
Je ne cours plus après toutes les illusions que procure l’argent.
Je marche droite et fière de n’être que peu matrixée.
Je n’accumule plus, j’apprécie, je contemple.
Je n’attends plus le week-end pour respirer : chaque matin m’offre son propre commencement.
J’ai cessé de vouloir “réussir ma vie” et j’ai commencé à vivre.
J’ai cessé de vouloir convaincre pour commencer à écouter.
Et dans cette écoute, je découvre que la vie murmure toujours, même quand on croit tout avoir perdu.
On dit que l’argent ne fait pas le bonheur.
C’est vrai.
Mais il m’a offert la plus précieuse des leçons :
J’ai cherché la fortune, et j’ai trouvé mon souffle de vie.
Et ce souffle-là, aucun compte en banque ne pourra jamais le contenir.
Etheyas Soeren,
Chronique d'une femme qui reprend sa voix
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